Années SIDA
Les optimistes de Rebecca Makkai

Chicago, 1985. La carrière de Yale Tishman, jeune galeriste, s’apprête à décoller lorsque l’épidémie de sida frappe Chicago de plein fouet. Très vite, le virus s’immisce dans son entourage, et tout s’effondre autour de Yale. Bientôt, il ne lui reste plus que Fiona, la petite soeur de son meilleur ami Nico. 2015. Fiona se rend à Paris, à la recherche de sa fille devenue membre d’une secte. Logée chez une vieille connaissance, elle s’autorise enfin à revenir sur le traumatisme de sa jeunesse.
« Cancer gay »
Construit sous la forme d’un diptyque, le roman s’articule autour de deux époques : 1985 et 2015. 1985, Chicago. Le roman débute par un enterrement, celui de Nico, jeune homosexuel de 23 ans, fauché par le sida. La veille, son compagnon Terrence, ses amis Charlie, Yale, Julian, Richard, un photographe et sa soeur Fiona ont honoré sa mémoire en organisant une grande fête comme il l’avait souhaité. Cette soirée va marquer pour Fiona le début d’une descente aux enfers : très proche des amis de son frère, elle va assister au fil des mois à leur disparition successive…
Rebecca Makkai décrit avec brio l’amitié et les amours tumultueuses de jeunes gens gay, brillants et fêtards qui brûlent la vie par les deux bouts. Mais le sida rebat les cartes et cette communauté dont le mode de vie s’accommode mal avec le virus, subit un véritable cataclysme car chacun se demande quand il sera touché. Peu à peu, la confiance se transforme en méfiance. Le personnage de Yale incarne à lui seul toute cette époque et ce galeriste prometteur va connaître un destin digne d’une tragédie shakespearienne.
Des actions « coup de poing »
A travers les drames individuels, ces jeunes vivent des situations terribles : souvent rejetés par leur famille et la société, ils sont traités comme des pestiférés et meurent souvent seuls à l’hôpital dans d’atroces souffrances. Mais dans cette période morose, les mouvements gay s’organisent et intensifient leurs actions dans un pays où l’homosexualité était assimilée à une maladie jusqu’en 1973 : naissance d’act up, multiplication des gay pride et des manifestations pour faire reconnaître leurs droits.
La partie contemporaine n’a pas le même souffle narratif. Trente ans après, on retrouve Fiona, la cinquantaine, célibataire, en partance pour Paris dans l’espoir de retrouver sa fille embrigadée dans une secte. Moins flamboyante, cette partie du roman permet de faire le lien avec le passé et de comprendre combien les années sida ont été traumatisantes pour ceux et celles qui les ont vécues de plein fouet. Mais c’est aussi l’espoir de la résilience et d’un avenir meilleur….+
Un livre générationnel
Un retour poignant sur les années sida qui ont changé le monde. Un sujet sensible traité avec justesse et un hommage émouvant à tous ceux qui ont été victimes de ce fléau. Un livre générationnel qui parlera aux ados des années 80. A lire pour ne pas oublier…