Un certain M. Désérable
Un certain M. Pikielny de François-Henri Désérable 
Quand tu rencontreras de grands personnages, des hommes importants, promets-moi de leur dire : au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait M. Piekielny…
Quand il fit la promesse à ce M. Piekielny, son voisin, qui ressemblait à « une souris triste », Roman Kacew était enfant. Devenu adulte, résistant, diplomate, écrivain sous le nom de Romain Gary, il s’en est toujours acquitté :
Des estrades de l’ONU à l’Ambassade de Londres, du Palais Fédéral de Berne à l’Élysée, devant Charles de Gaulle et Vichinsky, devant les hauts dignitaires et les bâtisseurs pour mille ans, je n’ai jamais manqué de mentionner l’existence du petit homme », raconte-t-il dans La promesse de l’aube, son autobiographie romancée. Un jour de mai, des hasards m’ont jeté devant le n° 16 de la rue Grande-Pohulanka. J’ai décidé, ce jour-là, de partir à la recherche d’un certain M. Piekielny.
Hockey sur glace, Emile Ajar et Apostrophe !
Pour percer le mystère de M. Piekielny, François-Henri Désérable, hockeyeur professionnel, écrivain et fervent admirateur de Gogol, se plonge dans la vie de Romain Gary qui, étonnamment, fait écho à la sienne. Point commun entre les deux hommes : leurs mères respectives qui ont nourri de grandes ambitions pour leurs fils, écrivain pour Gary, thésard en droit pour Désérable.
Il ouvre aussi les archives de la communauté juive de Vilnius à laquelle devait appartenir M. Pikielny avant la seconde guerre mondiale. Mais l’intérêt de cette drôle d’enquête réside dans les zones d’ombre de la biographie officielle de Romain Gary qui cultivait l’art et la manière de mystifier la réalité sur certains épisodes de sa vie comme sa date de naissance ou la vie de son père.
Au fil du roman se dégage une personnalité complexe et facétieuse. L’homme publie sous son nom mais éprouve un malin plaisir à écrire sous pseudonymes dont celui d’Emile Ajar qui va lui permettre de recevoir le prix Goncourt une deuxième fois, ce qui est totalement interdit ! A cette occasion, le narrateur imagine un échange surréaliste entre un Bernard Pivot taquin et un Romain Gary sur la défensive, persuadé que l’animateur va révéler l’identité de celui qui se cache derrière le roman « La vie devant soi ».
Face à un Romain Gary imprévisible, partir à la recherche de M. Pikielny s’avère compliqué et plutôt surprenant. Alors qui est-il vraiment ? Suspense… Réponse (ou pas) au terme des 258 pages de ce livre foisonnant et passionnant, porté par une écriture remarquable et un écrivain à suivre…