Une journée particulière
Johannesburg de Fiona Melrose
Gin Brandt, artiste new-yorkaise originaire de Johannesburg, rentre dans sa ville natale pour organiser l’anniversaire de sa mère, Neve. Tandis qu’elles préparent la fête avec Mercy, leur aide-ménagère, September, un sans-abri de 38 ans, manifeste devant la mine qui l’employait. Quelques rues plus loin, la famille de Nelson Mandela s’apprête à annoncer officiellement son décès.
Mrs Dalloway versus Gin Brandt

Ce livre est directement inspiré de Virginia Woolf et de son plus célèbre roman Mrs Dalloway paru en 1925. Clarissa Dalloway a laissé la place à Gin (diminutif de Virginia !) et l’histoire se déroule non pas à Londres en juin 1923 mais le 6 décembre 2013 à Johannesburg, jour de l’annonce de la mort de Nelson Mandela. Dans l’atmosphère de ce jour si particulier, chaque moment de la journée va influer sur ces personnages dont la vie après ce 6 décembre ne sera plus tout à fait la même.
Le décor est planté : Gin, artiste new-yorkaise, revient à Johannesburg pour organiser les 80 ans de sa mère Neve qui n’a jamais accepté son exil américain. Autour de ces deux femmes gravitent plusieurs personnages qui sont autant de références à l’oeuvre originelle : Mercy, l’employée de maison, September (pour Septimus) sans abri bossu et blessé par des policiers au cours d’une manifestation, sa soeur , Dudu, aide ménagère chez les voisins de Neve, Peter Strauss (Peter Walsh) avocat et amoureux malheureux de Gin, et Richard (Richard) dirigeant d’une compagnie minière.
Blancs et noirs
Ne vous fiez pas à la couverture bucolique de ce livre où s’épanouissent de magnifiques agapanthes dont le nom issu du grec Agape signifie amour. De l’amour, il en est beaucoup question dans cette histoire entre une mère et sa fille qui ne se comprennent pas, une soeur qui vient en aide à un frère en perdition, et un amoureux éconduit par la femme qu’il aime. Mais à travers cette galerie de personnages, ce sont surtout les vieux démons de la société sud africaine que dénonce Fiona Melrose par petites touches, à la façon de Virginia Woolf. L’apartheid a été aboli mais il subsiste encore dans les faits et dans les têtes : violences, ségrégation sociale et spatiale, asservissement de la population noire, manifestations réprimées dans le sang.
Ici plus qu’ailleurs, la vie est fragile et c’est le message que veut nous faire passer l’auteur lorsqu’elle conclut son livre par ses mots : « Malgré les actes de cruauté et l’horreur, le fait de savoir que dans cette ville quelque chose de terrible, de catastrophique était toujours sur le point de se produire rendait la beauté plus importante encore. ».
Un exercice de style « à la manière de » plutôt réussi mais qui plaira à ceux et celles qui aiment les descriptions cliniques et les introspections minutieuses…